Concilier la reprise économique post-Covid et la transition écologique

À l’heure où les gouvernements européens tentent d'aplatir la courbe des nouveaux cas de Covid-19, les conséquences politiques et économiques de la pandémie demeurent imprévisibles. Pourtant, cette menace sanitaire sans précédent ne relègue pas l'urgence climatique au second plan. Si l'accent est actuellement mis sur la lutte contre la pandémie et ses conséquences immédiates, nous devrions commencer à nous préparer à l’après Covid-19 par la mise en place d’un plan de relance économique, sans perdre de vue la crise climatique et écologique persistante. La création d'une dynamique pour mener cette bataille à double front doit être placée en tête des priorités.

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Changer de modèle pour une vraie transition écologique

Il a suffit d’un micro-organisme pathogène pour bloquer et confiner le monde entier. Cette pause a permis à la nature de reprendre ses droits, ne serait-ce que provisoirement. Des daims déambulant dans une rue de Boissy-Saint-Léger, en banlieue parisienne, des bancs de poissons nageant dans les canaux de Venise, des sommets de l’Himalaya, côté indien, visibles sur plus de 200 km pour la première fois depuis 30 ans… Les mesures de confinement ont certes un lourd impact sur le plan humain, social et économique, mais se sont avérées extrêmement bénéfiques pour l’environnement.

Un constat qui doit nous pousser à nous interroger et à remettre en question le modèle économique actuel, notamment à cause de son incapacité à répondre d’une manière efficace à l’urgence climatique. Si la sortie de cette crise sera lente et progressive, ce sera notamment l’occasion pour les leaders politiques et les acteurs économiques et sociaux de réfléchir à des modèles alternatifs qui sauront nous orienter vers une réelle transition écologique.

Un peu partout dans le monde, des étudiants, des paysans, des associations, ou encore des chefs d’entreprise s’impliquent dans le développement de solutions visant à réduire l’empreinte de l’activité humaine sur la planète. Agriculture urbaine, reboisement, transports doux, habitat passif, économie circulaire… Chaque action est un pas de plus vers une prise de conscience de la nécessité de s’impliquer en faveur de la transition écologique.

Parmi les exemples phares en France, citons le projet Biovallée dans la Drôme qui vise à « concevoir, repérer, promouvoir et démultiplier des pratiques de développement durable accessibles à tous ». Le « Rézo Pouce », coordonné par l’association Covoiturons sur le pouce, permet, pour sa part, de faciliter les transports entre voisins. Fort de son succès, le réseau est en train de s’étendre au niveau national. En région Lyonnaise, l’association indépendante Anciela, accompagne, gratuitement, les engagements et les initiatives des citoyens en faveur d'une société écologique et solidaire. L’association offre également des formations avec déjà 360 porteurs de projets accompagnés par semaine.

En Afrique, le programme « Reverdir le Sahel » a pour objectif la « lutte contre la désertification et l’accaparement des terres en Afrique sahélienne ». En Inde, le gouvernement a mis en place le projet solaire « Jewaharlal Nehru » qui ambitionne d’atteindre 100 GW de capacité d’énergie solaire d’ici 2022, dont 40 GW produits par des panneaux photovoltaïques installés en toiture.

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Les entreprises, pour leur part, sont de plus en plus nombreuses à adhérer, que ce soit par conviction ou par réalisme économique, à des initiatives pro environnement et à placer les enjeux de la transition écologique au cœur de leur business model. Ce virement s’explique aussi par l’attitude engagée pour le respect de l'homme, de l'animal et de l'environnement qu’adoptent pas moins de 86 % des consommateurs français, selon Kantar Worldpanel.

Il faut souligner que les entreprises à mission, qui intègrent dans leurs statuts des objectifs d’ordre social ou environnemental, sont celles qui auront fait preuve d’une plus grande résilience face à cette période de crise. Schneider Electric, Danone, Decathlon, la MAIF, entre autres grandes entreprises françaises, sont tous engagés dans ce sens et ont déjà lancé des mesures liées au concept de mission. Danone, par exemple, grâce à son achat, en 2017, de WhiteWave, le producteur de nourriture bio, a pu hériter du statut de société « à bénéfice public » (Public Benefit Corporation  – PBC). 

Plus récemment, en avril, Mirova, société de gestion spécialisée dans le développement durable, et Fabernovel, entreprise numérique, ont réuni des entreprises, des acteurs financiers et des fédérations autour d’une initiative collaborative pour repenser l’économie d’après-crise. Ils ont ainsi lancé la plateforme reCOVery, qui recueillera les contributions des participants, dont B Lab France, la communauté des entreprises à mission ou encore Finance For Tomorrow, autour de quatre thèmes : 

  • capitaliser sur les changements positifs dus au confinement ; 
  • relocaliser l’industrie ; 
  • miser sur l’utilité sociale des activités ;
  • promouvoir l’engagement des entreprises.

Par ailleurs, le télétravail s’est largement démocratisé pendant cette période de crise, notamment au sein des grandes entreprises telles que PSA qui a décidé d’en faire une norme. Il faut dire que cette décision de pérenniser le télétravail s’inscrit en droite ligne de la démarche de neutralité carbone du Groupe. Grâce au télétravail, PSA va, en effet, pouvoir réduire les transports ainsi que son empreinte immobilière. 

Mais la crise de Covid-19 ne doit pas servir d’excuse pour faire fi des accords internationaux sur l’écologie sous prétexte que c’est « nécessaire » pour relancer l’économie. Or c’est exactement ce qui est en train de se passer dans certains pays. Ainsi, en République Tchèque et en Pologne, on souhaite se débarrasser du Green New Deal européen, une mesure phare de la nouvelle Commission. Le Canada a, pour sa part, annoncé un plan de relance de son industrie pétrolière et gazière. Quant à la Chine, elle prévoit de construire des dizaines de nouvelles centrales à charbon pour relancer son industrie.

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Quel rôle de la France au sein de l’UE ?

La principale leçon à tirer de la crise de la Covid-19 est que l'inaction a un coût. À travers une série de mesures, la France se veut pionnière en matière de changement climatique. La loi énergie et climat, du 8 novembre 2019, qui vise à inscrire l’urgence climatique dans le code de l’énergie, ambitionne d’atteindre l’objectif d'une neutralité carbone en 2050, en divisant les émissions de gaz à effet de serre par six au moins. La France s’engage également, à travers cette loi, à baisser de 40 % la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030, à sortir du charbon en 2022 et à réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique à l’horizon 2035.

À Bercy, on planche déjà sur la relance de l'économie. À cet effet, Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, a fait appel à un groupe d'experts pour parler des différents scénarios possibles. Ce plan de relance tant attendu devra impérativement intégrer la question de la transition écologique, de manière à préparer un avenir commun qui rompt avec les pratiques actuelles.

Il sera ainsi question « de réinvestir dans les services publics, de relocaliser certaines chaînes de production, de revenir à l’essentiel et en particulier de retrouver le sens du commun », estime François Gemenne, chercheur et spécialiste en géopolitique de l’environnement. Pour sa part, l’anthropologue et philosophe Bruno Latour redoute la survenue d’une crise d’une plus grande ampleur à l’avenir. Il appelle à profiter du signal envoyé par la Covid-19 pour aller vers une reprise du système de production plus responsable.

La France est invitée à donner l’exemple au sein de l’UE. Nos décideurs politiques doivent résister aux tentations des solutions à court terme, en réponse à la crise actuelle qui risquent d'enfermer toute l'UE dans une économie basée sur les combustibles fossiles pour les décennies à venir. Ils sont appelés à envoyer un signal politique fort à l’Union Européenne et à leurs citoyens pour leur montrer que la France peut montrer la voie, même dans les moments les plus difficiles, notamment en matière de neutralité climatique et de respect de l'accord de Paris.

L’ESAM porte une attention toute particulière aux questions environnementales. À travers des programmes de formation qui remettent la transition écologique au cœur du métier de manager, l’école ambitionne de former et préparer des professionnels conscients des enjeux sociaux et environnementaux auxquels fait face la planète.

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